LE TRONE MAUDIT

La légende est vraie, poser le derrière en face de cet écran, mettre ses mains moites d'angoisse sur ces joystick colorés, et sur ces boutons usés, appuyer fébrilement sur start et se dire tout en ayant l'air de se la raconter, "Mais bordel qui je vais prendre en troisième ?", est une sensation grisante. Pourquoi ? Car cette borne est un trône où il fait bon demeurer après une victoire tendue où le pixel salvateur a définitivement refusé de partir, un trône sur lequel les croisades les plus impétueuses se déroulent, un trône où chaque "manoeuvre" est un nouveau jihad, où chaque "taunt" donne lieu à une nouvelle charia, un trône duquel se sont fait des réputations racontées dans chaque cour d'école, dans chaque salle d'arcade sombre, des légendes que les frontières n'arrêtent pas, "il a un Kim rigoureux", "il n'y a qu'un seul Vega", "son Gouki en 1 il encule ta team", "son poing il était dedans la furie", "moi les jeux-vidéo j'arrête !", "il a utilisé la technique de la pute", "il aurait pas du prendre Ryo", "le mec il l'a même pas chez lui le jeu", "il a perdu car normalement il joue à la manette", "le stick marchait pas "....
De ce trône, des royaumes éphémères naissent et se meurent au gré des rounds, de ce trône un honneur bafoué saigne en gardant la tête froide mais le coeur meurtri, de ce trône, la violence se galvanise et explose parfois dans une gerbe démonstrative de patates dans l'épaule, de coups de poings dans le mur, de troisième corde savamment placée, de mise au sol suivi de lynchages répétitifs, de hurlements sauvages et bestiaux, injuriant les dieux nippons, les peuples inférieurs, les familles les plus faibles, les lépreux et les couards qui arrêtent avant la fin d'un match, un strike trop annoncé guettant de leur retirer tout reste d'honneur.

Ce trône venu de l'île où renait chaque jour le soleil, mes amis, je l'ai trouvé, et peut-être par folie, ou par égarement, nous l'avons conservé et en avont fait un sanctuaire sur lequel s'eppanche match apres match, le sang noir et corrompu de nos pulsions païennes.

Nous somme des parias, adorateurs d'idoles graphiques, combattants avec ardeur dans une guerre sans fin que chaque nouvelle rencontre renforce, se jettant corps et âme dans la bataille... Alors femmes, enfants et gens bien sous tout rapport, pleurez et priez pour nous, car, en verité je vous le dit, ce trône nous a à sa merci, et depuis longtemps déjà...

...nous sommes maudits !!!

The Cursed Hunter